
Oser le conflit pour le dépasser !
Oser le conflit, ce n’est pas rechercher le conflit.
C’est vouloir atteindre autre chose, sur l’autre rive, de l’autre côté. Il va falloir traverser pour y accéder.
Tous nos modes de défense sont liés à la peur.
Celui qui agit dans la violence, qui tape, humilie, cherche à supprimer l’autre. A l’inverse, celui qui évite ou fuit, cherche à disparaître. Tous les deux obéissent à la peur.
Oser le conflit, c’est d’abord accueillir nos émotions, notre ressenti dans cette situation de confrontation.
Le conflit à traverser est cet endroit désagréable en nous que nous n’aimons pas, Là où nous ressentons les émotions négatives, la peur, la colère, la violence et les sensations associées: le froid, le resserrement, le chaud, l’embrasement. C’est accepter de le vivre.

C’est l’accueillir comme étant chez nous, faisant partie de nous. Oui, chaque être humain est habité par la violence et la peur. La question n’est pas de nous en débarrasser mais de les apprivoiser. Je ressens cette violence et cette peur, je l’accepte et je m’accepte dans cette fragilité. C’est chez moi. L’autre ne fait que l’éveiller en moi. Il est responsable de sa propre violence et de ses propres peurs, mais ce que cela me fait, c’est ma responsabilité, mon histoire, mon affaire.
L’acceptation de ce lieu en nous, demande souvent d’être accompagné. Un regard sans jugement, accueillant et même aimant d’un autre, nous appelle à nous aimer aussi dans ce lieu que souvent nous haïssons. Ces colères, lâchetés, angoisses, violences qui sont tellement difficiles à toucher, accepter nous meurtrissent. L’autre peut nous accompagner vers cet amour de nous-mêmes.
Oser le conflit c’est d’abord oser la rencontre avec nos ombres pour passer sur l’autre rive.
Où trouver la force, la volonté, l’envie ?
En nous, dans notre désir profond. C’est le deuxième passage de l’accompagnement dans « oser le conflit ». Avec un autre, débroussailler les faux semblants, les jugements, les égarements pour se connecter à soi en vérité. L’accompagnateur ne « sait pas » mais connecté à lui-même, il l’est aussi à nous-mêmes. Il est aveugle mais « ressentant », « résonnant de ce qui se passe en nous », il peut oser dire : « c’est froid », « c’est chaud », « glacial », « tu brûles! ». C’est alors la sensation à soi-même, d’y être. Le mot sonne juste, notre corps le ressent. Une parole dit enfin, au plus près, notre désir profond. Nous savons que « c’est ça ! », et les autres le confirment comme une évidence.
Comment avancer dans le conflit ?
Ce n’est pas certainement pas en regardant nos pieds. Regarder nos pieds ce serait être dans la technique des mots corrects, de ne pas dire « tu », parler en « je », « être factuel », toutes ces consignes qui risquent de nous détourner de nous-mêmes. Difficile d’être vrai quand on veut être correct. Difficile d’être connecté à soi quand on cherche à contrôler son expression. Le problème de ces règles c’est d’être des règles à suivre. Et d’ailleurs, la valeur de ces stages de communication non-violente n’est pas d’apprendre ces règles, mais d’expérimenter avec l’aide des autres, des moments où nous sommes vrais et d’en prendre l’habitude.
Traverser le conflit c’est vouloir plus que tout, être vrai, connecté à ce qui se passe en nous et à notre désir profond, c’est notre boussole. C’est sentir ce qui se passe en nous, où nous en sommes et vouloir aller vers ce qui compte pour nous, notre désir profond qui nous appelle.
Les grecs parlaient d’une « parole vraie et courageuse » la parrêsia, (mot grec formé sur le pronom pan(tout) et le verbe rein (dire) et qu’on peut traduire par « dire-vrai » ou « franc-parler »). Nous pouvons reprendre ce mot. Oser le conflit c’est oser dire une parole vraie et courageuse pour soi et pour l’autre.
Pour continuer la réflexion: Michel Foucault : Le Courage de la vérité. Le Gouvernement de soi et des autres II – Lytta Basset, Sainte colère, Essai (poche)

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