Oser le silence pour une communication plus riche et apaisée !
Faire silence, c’est voir du dedans son monde intérieur, entendre les silences
de son coeur, les silences entre les mots, ce qui ne se dit jamais ou que l’on ne
prend pas le temps d’entendre. C’est faire le vide des émotions invalidantes
pour laisser la place à une écoute de plus en plus fine et subtile.
Catherine Bensaid , La musique des anges : S’ouvrir au meilleur de soi
L’emballement contemporain
La multiplication de cas de burn out a révélé
toute l’importance de la santé psychologique des acteurs de l’entreprise. L’organisation du travail
évolue constamment pour préserver ou développer efficacité et compétitivité. Avec la globalisation
et l’accélération technologique, il devient indispensable de s’informer, agir et communiquer sans
cesse dans l’espoir de garder la maîtrise. Tout va de plus en plus vite, ce qui ne laisse guère de temps
pour réguler les tensions normales existant dans tout espace de relations humaines et sociales. La
souffrance au travail s’exprime alors par des comportements déséquilibrés et souvent violents
envers soi ou les autres, regroupés sous le terme générique de risques psycho-sociaux (RPS) comme
le stress, la souffrance mentale et son cortège d’addictions ou encore le harcèlement moral.
L’emprise du stress
Pour l’agence européenne pour la santé et la sécurité au travail (EU-OSHA), « un état de stress
survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui
impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face».
Ce déséquilibre déclenche normalement un état d’alerte devant l’inconnu. Lorsque les personnes
sont en bonne santé psychique, le stress reste à un niveau stimulant.
En revanche, le stress excessif devient un vrai poison. Il est reconnu comme un risque pour la santé
mentale et désormais recensé dans les pathologies professionnelles. Sa prévention est intégrée au
code du travail et la jurisprudence sur les obligations de l’entreprise se précise, notamment celle de
sécurité de résultat. La Cour de Cassation a ainsi entériné, le 8 novembre 2012, la faute inexcusable
d’un employeur dans la pathologie cardiaque d’un salarié. Cette décision ouvre probablement la voie
à la prise en compte d’autres pathologies (gastriques, somatiques, dermatologiques ou se rapportant
à des troubles musculo-squelettiques) pour établir le manquement à l’obligation de sécurité de
résultat.
Les approches pour mieux gérer le stress ou lutter contre se multiplient, sur le plan du
développement individuel et du travail en équipe. Elles apportent toujours plus de connaissances et
de méthodes pour une meilleure maîtrise, mais ne vont pas au cœur du problème qui est, à notre
sens, de devoir vivre durablement avec l’incertitude et l’inconnu, donc de cesser paradoxalement de
courir après la maîtrise absolue.
Oser le silence par le moyen de la méditation
La solution est au cœur du problème : entrer en relation intime avec nos peurs et l’absence de
maîtrise en cessant le plus absolument possible toute activité physique et mentale pendant un temps
donné. Il suffit d’essayer pour se rendre compte que cela n’a rien d’évident. Les traditions orientales
proposent des voies éprouvées de longue date d’apprentissage d’un certain silence intérieur au
moyen de la méditation. Ce silence peut être qualifié d’actif : cesser toute activité physique et
mentale requiert une grande vigilance et est tout le contraire d’un isolement passif et de
l’indifférence.
L’expérience montre que la profondeur du silence en méditation n’est pas la même en présence de
personnes déjà en recherche de silence, comme si les côtoyer dans le silence permettait d’être
emmené par eux. C’est une des raisons pour laquelle la méditation est pratiquée en groupe : les
méditants sont à la fois seuls et ensemble. Il s’avère aussi qu’à force de pratiquer, le silence intérieur
est re-mobilisable de plus en plus instantanément et se communique à l’entourage.
Le monde médical commence à reconnaître la stabilité émotionnelle qu’apporte la méditation, et le
rôle qu’elle peut jouer pour prévenir les rechutes dans les cas de dépression, anxiété ou de boulimie
comme en témoignent les travaux du Dr Christophe André à Ste Anne dans la ligne du mouvement
américain inspiré par le Dr Jon Kabat Zinn.
Des cadres et dirigeants américains témoignent également des bienfaits d’une pratique régulière de
la méditation (cf. Business insider May 9, 2012 : 14 Executives Who Swear By Meditation). Selon eux,
la méditation permet de réguler le stress, de discerner ce qui est essentiel plus spontanément, d’être
mieux concentré et donc, d’être plus efficace et productif. Pour convaincre nos compatriotes,
culturellement plus sceptiques et réticents, des preuves scientifiques commencent à venir (cf. « le
cerveau de Bouddha » de Rick Hanson éditions ARENES) notamment grâce à l’apport des
neurosciences et de l’imagerie médicale.
Pour commencer dans l’entreprise
Pour lever les réticences face à l’introduction de la méditation comme moyen d’accès au silence actif
et ses bienfaits, voici quelques propositions pratiques et brèves pour tester l’efficacité d’un peu de
silence dans le cadre de réunions professionnelles:
- L’animateur peut proposer un court temps de silence préalable (moins de cinq minutes) pour
que chacun se concentre sur l’ordre du jour et les points importants de la réunion. La qualité
du silence peut changer radicalement l’atmosphère de la pièce et la tenue de la réunion : les
participants seront plus détendus, s’écouteront mieux et seront collectivement plus créatifs. - L’animateur peut enchaîner par un tour de table rapide où chacun exprime une ou deux
attentes par rapport à la réunion, sans discussion de la part des autres, juste dans l’écoute. - Régulièrement, l’animateur peut inviter au silence, quand quelqu’un prend la parole, afin
que chacun prenne le temps d’écouter sans interrompre ni réagir intempestivement. Les
seuls échanges autorisés sont pour s’assurer d’avoir bien compris, ce qui ne veut pas dire
approuver. La discussion peut alors se poursuivre sur la base d’informations plus diverses et
mieux partagées.
Respecter ces quelques recommandations peut apparaître comme une perte temps mais permet en
réalité d’en gagner beaucoup plus, lors de la réunion et dans ses répercussions, notamment grâce la
richesse du débat et la pertinence des conclusions.
Silence, écoute et parole
Que peut-on ainsi découvrir de manière simple ? Le silence est d’abord la condition d’une écoute
efficace. Cette dernière passe par la perception fine de notre ressenti intérieur en miroir de celui des
autres et permet la détection des signaux faibles, d’apporter des réponses innovantes et pertinentes
et par exemple, gagner du temps dans le développement d’avantages concurrentiels. La parole qui
s’origine dans ce ressenti immédiat, proche de l’intuition, est concise, percutante et utile, le contraire
d’un discours standard, au contenu parfois dilué, cherchant à remplir un vide ou ne servant que l’ego
du locuteur. Les philosophes explorent ce lien entre écoute et parole depuis l'antiquité, d'Héraclite «
Ne sachant pas écouter, ils ne savent pas non plus parler » ( Fragments PUF) à M Heidegger « Parler
ce n’est pas en même temps écouter ; parler est avant tout écouter. » (Acheminement vers la parole
Gallimard).
Accepter le silence, c’est accepter ce que notre corps dit à notre insu. La personne devient donc plus
cohérente dans son discours et son attitude. Elle « est confiance » en elle et donne confiance.
L’ambiance autour d’elle s’harmonise. Chacun est plus ouvert et plus disponible à ce qui est nouveau
dans un niveau de stress optimal, le travail des équipes est plus efficace.
Cette aptitude au silence actif et la stabilité émotionnelle qui en découle n’a pas de prix pour le
manager, les équipes et l’entreprise : prévention des RPS à moindre frais, qualité des relations et des
échanges, culture de l’enrichissement mutuel, efficacité, rapidité… Osons donc le paradoxe du temps
« perdu » à faire silence par le moyen de la méditation !